« Ippon » : la technique décisive sans conteste
Le « ippon » est en fait une attaque qui touche l’esprit et le corps de l’adversaire. Non seulement celui qui a gagné, mais celui qui a perdu sait très bien ce qui s’est passé. Il n’y a aucun doute. On n’a pas besoin d’arbitre, car chacun sait ce qui s’est passé.
Cela ne concerne pas les débutants, mais c’est la perception indispensable pour être adepte. En multipliant les expériences de combat, en cherchant cette forme de « ippon », vous commencerez à trouver que si vous vous laissez emporter par la violence et par l’agressivité, vous perdrez en efficacité. Certes, la violence est porteuse d’une efficacité et la percussion en soi ne peut être que violente, puisqu’il n’existe pas un coup efficace sans qu’il soit violent, mais il n’y a pas que ça. Avec l’âge on commence à découvrir d’autres types de sources d’efficacité. De toute façon, si on fait le combat à l’âge de 60 ans comme un jeune de 20 ans, on ne peut pas être très efficace en ce sens là (il ne s’agit pas de parler ici d’efficacité en général).
Le combat exige de déployer un maximum de nos ressources entraînées, la capacité totale de soi: pour cela, il faut se libérer de pensées dérisoires qui freinent l’action et il faut aiguiser la perception. C’est ce que traduit l’image d’une surface d’eau sans trouble qui reflète clairement la lune.
On peut rester sur le seul plan de la recherche de l’efficacité en combat, mais cet effort pourrait progressivement se confondre avec celui de transformer le soi médiocre en soi meilleur et supérieur. La pensée originellement pragmatique de l’art du combat, c’est-à-dire comment mieux combattre, comment mieux dominer l’adversaire, se dote de l’objectif annexe de devenir meilleur comme être humain. Et cet objectif annexe va progressivement se substituer à l’objectif principal avec l’âge de la personne. Ce type d’évolution qualitative dans les arts martiaux a été effectué au fil du temps historique. C’est cela le Budô (= arts martiaux japonais).
Sensei Kenji Tokitsu